Paul Bocuse
Paul Bocuse, grand voyageur et infatigable curieux des autres, aura toujours préservé son ancrage lyonnais. Né à Collonges au Mont d’Or le 11 février 1926, il nous a quittés le 20 janvier 2018, dans cette même maison où il est venu au monde.
Fils unique de Georges et Irma Bocuse, il descend d’une longue lignée de cuisiniers qui remonterait à 1765 où l’on retrouve un Michel Bocuse qui régalait déjà, avec sa femme, les paysans de fritures, cochonnailles et fromages de la région.
L’ascension
vers les étoiles
Son parcours débute chez Eugénie Brazier, la mythique « La Mère Brazier ». Pour travailler chez elle, il n’hésite pas à enfourcher son vélo pour gravir les vingt-six kilomètres qui mènent au col de la Luère. Puis le voici à Vienne chez le grand Fernand Point, à la Pyramide qui est à l’époque l’un des plus fameux restaurants français. Là, il apprend celles qui deviendront ses deux valeurs cardinales : la simplicité et la maîtrise des modes de cuisson.
Après un passage à Paris, chez Lucas Carton, puis de nouveau auprès de Fernand Point, comme Chef Garde-Manger, Paul Bocuse retrouve l’entreprise familiale à l’Hôtel du Pont de Collonges.
Nous sommes en 1958, il a vingt-six ans, l’histoire se met en marche avec la première étoile décernée par le guide Michelin, l’ascension s’accélère. L’Abbaye de Collonges, à quelques centaines de mètres de l’Auberge, voit aussi le jour, dédiée aux évènements d’exception. En 1961, le Chef remporte le prestigieux titre de Meilleur Ouvrier de France.
En 1962, le restaurant accroche la 2ème étoile et en 1965 la 3ème qu’il conservera jusqu’en 2020. C’est à ce moment qu’il peut donner au lieu son nom, « L’Auberge du Pont de Collonges – Restaurant Paul Bocuse ».
Précurseur de la « Nouvelle cuisine »,
dieu vivant au Japon
Un soir de 1964, Henri Gault et Christian Millau (les pères du célèbre Guide Gault Millau) restent subjugués par une salade de haricots verts al dente, suivie de petits rougets de roche très peu cuits. La cuisine, ici, à l’Auberge du Pont de Collonges, leur parait à des années-lumière de ce qu’ils ont l’habitude de manger ailleurs. Paul Bocuse leur recommande de visiter ses amis les frères Troisgros à Roanne où ils retrouvent ce même esprit : simplicité, raffinement, légèreté, audace. Un mouvement est clairement en train d’émerger, cette tendance qui sera plus tard dénommée « Nouvelle Cuisine » et où se réunissent déjà une douzaine de Chefs.
Au début des années 1980, Paul Bocuse s’associe avec ses amis Roger Vergé et Gaston Lenôtre pour ouvrir à Orlando, au cœur de Walt Disney World, le pavillon français baptisé « Chefs de France ». Ainsi démarre son aventure à l’international et son nom va bientôt rayonner dans d’autres pays comme le Japon où il est considéré encore aujourd’hui comme un véritable dieu vivant.
Des Bocuse d’Or
à la Fondation
En 1987, Paul Bocuse crée à Lyon avec Albert Romain le Bocuse d’Or, l’un des plus prestigieux concours mondiaux. Il devient en 1989 le Président du concours du Meilleur Ouvrier de France (section cuisine-restauration), est désigné Cuisinier du Siècle puis Pape de la Gastronomie.
En 1990, il ouvre enfin l’Institut Paul Bocuse (où se côtoient des étudiants de 37 pays différents) puis, en 2004, la Fondation Paul Bocuse afin de transmettre son savoir-faire au plus grand nombre.
Durant les années suivantes, il continue à former les jeunes talents, à accueillir ses clients au restaurant et à l’Abbaye, fidèle à ses valeurs : travailler, transmettre, prendre le bonheur des autres en charge.
La générosité et la fidélité
Paul Bocuse aura ainsi su être tout à la fois le chef visionnaire de la nouvelle cuisine, celle qui a su s’alléger de ses excédents pour gagner en saveurs et en précision, laisser pleinement s’exprimer le produit, l’accorder de manière subtile pour le mettre en valeur, et le gardien des grandes traditions culinaires.
C’est encore lui, qui sut avec tant de générosité mettre en lumière les talents de ses pairs et faire connaître au grand public la haute excellence des Meilleurs Ouvriers de France, les MOF dont le col tricolore signale le niveau ultime auquel ils sont parvenus.
Un chef de famille aussi, cette grande tribu formée de ceux et celles qu’il a formés et des fidèles amis. Le souvenir qu’il laisse dans les cœurs vit plus que jamais haut et fort sur les bords de Saône.